Guet-apens pour Dominique Domarchi

Publié le par Jean-Sébastien Soldaïni

Tué à l’arme de chasse, l’un des plus proches conseillers du président de l’Exécutif était attendu devant sa porte après le 1er tour des cantonales.

 

Quinze avis de décès dans la presse locale. Les proches bien sûr. La communauté de communes de Costa Verde. La municipalité de Sant’Andrea-di-Cotone. Le président du Conseil général de Haute-Corse. Le président de l’association des édiles. Les maires de San Giuliano, Cervione et Santa-Maria-Poggio. Le groupe Démocrates, Socialistes et Radicaux. L’ADECEC. Les adjoints de sa municipalité. Et même le comité des fêtes de son village. Tous, et quel que soit l’ordre de préséance dans la mise en page du quotidien, ont eu, selon la formule consacrée, « la douleur » de « faire part du décès de Dominique Domarchi ». La « Une » des journaux s’en était déjà chargée avec moins de précautions. Un élu a été tué. Le cinquième en Corse depuis 1990.


Pour ce premier tour des cantonales, la soirée électorale s’est terminée tard, mais sans accroc. Dominique Domarchi a passé son dimanche au Conseil général de la Haute-Corse. Là où sont centralisés tous les résultats. Il y a attendu la fin du dépouillement en compagnie d’autres élus. Serein. Pierre-Louis Nicolaï, son poulain dans le canton, a remporté une victoire nette avec plus de 76% des suffrages. Il quitte Bastia vers 23 heures. Des amis lui ont bien proposé de rester dormir en ville, mais il insiste pour rentrer chez lui. Vers une heure vingt, il arrive dans son village de Sant’Andrea-di-Cotone. Au moment où il ouvre la porte de sa maison, il est bousculé et jeté à terre, dans le hall d’entrée, au pied de ses escaliers. Plusieurs décharges d’arme de chasse sont tirées alors que son épouse et ses deux enfants dorment à l’étage. Ce sont eux qui vont donner l’alerte.


« Il a été touché par plusieurs impacts, relève Dominique Alzeari, procureur de la République de Bastia. Cet homme a peut-être même été la cible de plusieurs individus. Tout s’est vraisemblablement passé très vite à son entrée dans les lieux ». Dans les ruelles étroites du village, les coups de feu sont étouffés, mais la nouvelle se répand. Et quand les premières lueurs du jour éclairent enfin les plages de la Costa Verde en contrebas, une cinquantaine de personnes attend, visages fermés. Jean est un voisin. Il dit n’avoir rien entendu mais admet être « sous le choc. Bouleversé. Il n’y a qu’à regarder autour de nous, observe-t-il. Nous sommes tous dans cet état. C’est l’autorité du village qui s’en va et nous sommes tristes. En dehors de toute considération ». Le reste, la politique, les affaires, doivent demeurer en retrait pour les habitants du village.


Peut-être pas pour les besoins de l’enquête. En janvier dernier, il a été placé quelques heures en garde-à-vue. Un juge marseillais souhaitait l’entendre à propos de marchés publics présumés frauduleux au département de la Haute-Corse. Un dossier dont les ramifications vont jusqu’en Espagne, en passant par Marseille et le milieu phocéen. A l’époque, aucune charge n’avait été retenue contre Dominique Domarchi. Une fois relâché, il a même été énergiquement défendu par Paul Giacobbi. Pourtant, le « chargé de mission » auprès du Président de l’Exécutif a été mis en examen dans cette affaire. Une semaine avant sa mort. « Mais rien ne permet pour l’instant de relier cette affaire » à son meurtre, affirme Dominique Alzeari. Le procureur de la République de Bastia relève aussi que le conseiller de Paul Giacobbi a déjà fait l’objet d’une condamnation en 2009, pour « des irrégularités relevées au cours de l’organisation des élections législatives de 2007 ». Là encore, difficile de faire un lien.


L’influence de ce maire de 63 ans a peu-à-peu dépassé les limites de sa commune. Quand la gauche s’installe à la présidence du Conseil Exécutif de la Région en mars 2010, il sort de 12 ans d’étroite collaboration avec le président du Département de la Haute-Corse. Leurs liens sont à la fois politiques et familiaux. Le grand-père de Paul Giacobbi, ministre sous la IIIe République, avait aussi choisi le grand-père de Dominique Domarchi comme conseiller. Le maire de Sant’Andrea-di-Cotone se tenait volontiers loin des médias. Son nom et son rôle auprès du président de l’Exécutif étaient rarement évoqués par les élus. Tant au Département qu’à la Région. Pour certains, il s’agissait de « respect ». Pour d’autres de « crainte ».

Publié dans Corsica

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