Les langues régionales ne peuvent pas servir pour les actes officiels

Publié le par Jacques Casoni

Le maire du village de Galéria voulait que les réunions de son conseil municipal se tiennent en corse. Le tribunal administratif de Bastia le lui a refusé.

 

Dany Rossi y croyait dur comme le granit rose de Galéria. Un port de pêche entouré par 300 habitants, au nord-ouest de l’île. Tous, ou presque, parlent et comprennent le dialecte local. Mais pour le maire, cette langue est en danger. Alors le 7 avril 2009, les 11 élus adoptent une délibération originale : un conseil municipal sur deux se fera intégralement en corse. Pour l’enregistrement des comptes-rendus en préfecture, une traduction en français sera systématiquement rédigée.


L’initiative n’est pas du goût du sous-préfet de Calvi qui reçoit les textes officiels arrivant de la commune. Il dépose en juin dernier une requête au Tribunal administratif de Bastia pour faire annuler la décision. Dany Rossi s’est donc présenté jeudi devant les juges, seul avec son blazer vert. Il ne peut pas prendre la parole, c’est un texte qui est en cause. Alors il écoute les conclusions du commissaire du gouvernement : « l’article 2 de la Constitution précise que la langue de la République est le français. Le corse ne peut donc pas être utilisé dans les délibérations du conseil municipal ».


« Mais l’article 75-1 de cette même Constitution rappelle que les langues régionales font partie du patrimoine de la France. Elles ont donc la même valeur puisque reconnues par le même texte. Toutes peuvent coexister », répond maître Jean-François Poli, l’avocat du maire de Galéria. Dans la salle, plusieurs élus nationalistes ont pris place pour le soutenir. Son combat est aussi le leur, même s’il ne fait pas partie de cette famille politique. « Je suis un gaulliste de gauche, affirme Dany Rossi en sortant de l’audience. La Constitution sous laquelle nous vivons a été instaurée par le Général de Gaulle et j’en suis scrupuleusement respectueux !  De mon point de vue ce qu’on demande est le strict minimum sociétal. Ce n’est pas pour autant que je récuse le français ». Face à lui, une quinzaine d’adolescents l’attendaient à la sortie de la salle pour l’applaudir. Ils tiennent une banderole sur laquelle est inscrite « Lingua corsa, lingua viva » (Langue corse, langue vivante).


24 heures plus tard, les juges du tribunal administratif de Bastia rendaient leur jugement : annulation de la délibération qui autorise l’usage du corse dans les réunions du conseil municipal. La question n’a jamais été posée devant une telle juridiction. Elle vaut désormais pour tout le territoire et pour toutes les langues régionales.

Pourtant sur l’île de Beauté, un nouveau texte a été signé il y a seulement 15 jours. Une charte pour le développement de la pratique de la langue corse. Elle a été approuvée par le nouveau président du Conseil exécutif régional, Paul Giacobbi, et celui du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) pour mettre en place de cours de corse destinés aux fonctionnaires locaux. Des "bains linguistiques" pour la petite enfance seront organisés dans les crèches et les maternelles. Le CNFPT est même le premier service public national à s'engager dans cette démarche. Tout est donc fait pour que les agents de l’Etat puissent discuter avec la population locale en utilisant sa langue. Dans un souci de proximité mais pas dans un cadre officiel.

 

Publié dans La Croix

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