Poker Face pour El Korsico

Publié le par Jean-Sébastien Soldaïni

Jean-Paul Pasqualini, un Bastiais de 49 ans, s’est adjugé le mois dernier à Cannes l’un des plus importants tournois de poker en Europe. Avec à la clé, un chèque d’un million d’euros. Une consécration pour ce joueur chevronné, même s’il ne semble pas prêt à passer la main.

 

Aussi insondable qu’une nuit sans lune. Comme la plupart des stratèges de son espèce, Jean-Paul Pasqualini ne laisse rien transparaître. Pas même une émotion. Dans le jargon, les joueurs appellent cela Poker Face. Alors sa dernière main du Partouche Poker Tour de Cannes, il la raconte d’une voix monocorde. « Ce coup est presque anecdotique. La dernière carte me donne une quinte, face à une paire de trois. Mon adversaire fait « tapis ». Et là, je savoure intérieurement. Je sais que j’ai gagné. C’est une grande émotion que j’ai gardée pour moi ». Il n’extériorise pas. Au contraire, le joueur apparaît soulagé sur les images où il se contente d’un « ouf » de soulagement.

 

30 ans qu’il tape le carton et pousse ses jetons. Autant dire qu’il en a vu passer des mains. D’abord entre amis à l’école normale d’Ajaccio avec le poker fermé. Le poker de papy avec 5 cartes bien à soi et où « tapis » ne se dit pas encore « all-in ». « Check » n’a pas encore remplacé « parole ». Une variante du jeu qui laisse plus de place à la psychologie qu’aux statistiques. « C’était une autre lecture du jeu ». Mais depuis, le Texas Hold’em a débarqué en force. Et sorti le poker des sombres arrière-salles de bars pour porter ses paillettes sur nos écrans de télé. « C’est en zappant sur une émission de Patrick Bruel que je me suis intéressé à cette nouvelle forme du jeu », se rappelle le joueur. Il apprend sur Internet. « Tout seul, en autodidacte. Parce qu’à Bastia, il y a bien les parties entre amis mais bon… »

 

Dans l’anonymat des salles virtuelles, Jean-Paul devient El Korsico. Un pseudo dont il fait un surnom. Une marque déposée presque, qu’il traîne jusque dans les cercles de jeux parisiens. « A travers les résultats on acquiert un certain niveau, note-t-il. Et puis on sent qu’on progresse réellement ». Alors il tente sa chance à l’étranger. Bien lui en a pris. Selon les différents classements, il se trouve entre le 9e et le 12e rang mondial. « Je n’ai pourtant pas la prétention d’être le 12e meilleur joueur au monde, précise Jean-Paul Pasqualini. Encore moins celle d’être un joueur professionnel. Je considère cela comme une passion qui arrondit les fins de mois. Mais je n’ai pas attendu de gagner un million d’euros pour assumer ma famille ! » Une femme et un enfant qui vivent en Corse. Lui, se partage entre son île, Paris et Londres. 4 ans maintenant qu’il chausse ses lunettes de soleil autour des tapis verts. « Pas pour la spacca. Simplement pour pouvoir regarder tout le monde autour de la table. Sans qu’ils ne  s’en rendent compte », précise El Korsico.

 

C’est pourtant lui qui se sent observé. Depuis sa victoire à Cannes, son visage est apparu dans d’autres revues que celles bien spécialisées du poker. Et même s’il était déjà connu – et reconnu – dans le cercle très fermé des joueurs, sa mise en avant le gêne un peu : « Je suis content d’avoir gagné ce tournoi bien sûr. Mais ce qui est plus important que le reste : c’est d’avoir gagné avec la manière. Je voulais faire une partie sans erreur ».

 

Il veut aussi casser l’image du flambeur qui colle à tout passionné de jeu : « J’ai un profond respect pour l’argent. Oui, j’ai toujours bien gagné au poker, mais en tenant un livre de comptes très précis. De sorte à ne pas dépenser plus que de raison. » Sage décision, mais difficile de s’y tenir dans ce milieu. Sur une année, seuls 3 ou 4% des joueurs parviennent à sortir gagnants. Alors il tempère les ardeurs de ceux qui voudraient l’imiter. « Il faut d’abord se faire une bonne situation et se tester sur la longueur. Sur des petites parties ». Toujours être méfiant. Avoir les jetons.

Publié dans Corsica

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