Un maire corse abattu juste après les élections

Publié le par Denis Nicolaï

Dominique Domarchi était chargé de mission auprès du président du Conseil Exécutif de Corse

 

MEURTRELa soirée électorale s’est terminée tard, mais sans accroc. Dominique Domarchi a attendu la fin du dépouillement au Conseil général de la Haute-Corse. Le temps de s’assurer que son camp l’emportait avec plus de 76% des suffrages dans son canton avant de rentrer chez lui. Vers une heure vingt, il arrive dans son village de Sant’Andrea-di-Cotone (Haute-Corse). Au moment où il ouvre la porte de sa maison, il est bousculé et jeté à terre, dans le hall d’entrée, au pied de ses escaliers. Plusieurs décharges d’arme de chasse sont tirées alors que son épouse et ses deux enfants dorment à l’étage. Ce sont eux qui vont donner l’alerte.


« Il a été touché par plusieurs impacts, relève Dominique Alzeari, procureur de la République de Bastia. Cet homme a peut-être même été la cible de plusieurs individus. Tout s’est vraisemblablement passé très vite à son entrée dans les lieux ». Dans les ruelles étroites du village, les coups de feu sont étouffés, mais la nouvelle se répand. Et lorsque le soleil éclaire enfin, en contrebas, les plages de la côte orientale, une cinquantaine de personnes attend, visages fermés. Jean est un voisin. Il dit n’avoir rien entendu mais admet être « sous le choc. Bouleversé » par la mort de Dominique Domarchi. « Il n’y a qu’à regarder autour de nous, observe-t-il. Nous sommes tous dans cet état. En dehors de toute considération politique, c’est l’autorité du village qui s’en va et nous sommes tristes ». La victime était solidement installée au fauteuil de maire depuis 27 ans.


Pendant une partie de la matinée, les Cotonais ont vu se succéder les personnalités politiques locales. Le président du Conseil général de Haute-Corse, Joseph Castelli, et son chef de cabinet. Le nouvel élu du canton, Pierre Louis Nicolaï. Des membres de l’Assemblée de Corse. Et Paul Giacobbi. Celui dont Dominique Domarchi était l’un des plus influents conseillers. Un homme de l’ombre qui occupait officiellement le poste de « chargé de mission auprès du Président de l’Exécutif ». Un intitulé suffisamment flou pour pouvoir donner son avis dans tous les domaines. L’équipe était bien rôdée. Elle a officié pendant 12 ans, sur le même modèle, à la tête du Département de la Haute-Corse. Mais les deux hommes se connaissent depuis toujours. Le grand-père de Paul, Giacobbi, ministre sous la IIIe République avait aussi choisi le grand-père de Dominique Domarchi comme conseiller politique.


Pas d’ombre au tableau, même si le maire de Sant’Andrea-di-Cotone a déjà fait parler de lui. En 2009, il a été condamné pour « des irrégularités relevées au cours de l’organisation des élections législatives de 2007 », précise Dominique Alzeari. En janvier dernier, « l’homme du président » a aussi été entendu à Marseille dans le cadre d’une enquête sur le versement de pots-de-vin et sur l’attribution frauduleuse de marchés entre les Conseils généraux de la Haute-Corse et des Bouches-du-Rhône. Pierre Olmeta, le Directeur des interventions sociales et sanitaires du Département a été mis en examen et écroué dans cette affaire en compagnie de membres influents du milieu marseillais. Mais rien pour l’instant ne semble relier la mort de Dominique Domarchi à ces faits. Paul Giacobbi avait même choisi de défendre énergiquement son conseiller à l’issue de sa garde-à-vue. Les deux hommes étaient bien plus que des collaborateurs. Des amis, dont l’un siégeait juste derrière l’autre dans l’hémicycle de l’Assemblée de Corse.

Publié dans Le Figaro

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