Le journaliste, ce scientifique

Publié le par Jean-Sébastien Soldaïni

 

Mieux comprendre l’information, pour mieux la transmettre au public. Telle est la volonté de tout journaliste qui se respecte. Alors, sous prétexte de rompre avec une image conservatrice so british, la grande institution qu’est la BBC adopte une politique pour le moins inhabituelle : faire en sorte de d’envoyer sur un événement, un reporter qui est originaire de la zone qu’il couvre. L’idée vient de Mary Fitzpatrick, rédactrice en chef chargée de la diversité sur le réseau public anglais. L’une de ses missions est de favoriser la représentation des minorités ethniques et des personnes handicapées chez ce géant de l’information.

 

« Je préfère voir quelqu’un qui comprend ces cultures », aurait même déclaré madame Fitzpatrick. Serait-ce à dire qu’une personne qui ne vient pas d’Irlande du nord, est incapable de comprendre les tenants et les aboutissants de ce conflit ? Et donc de ne pas restituer fidèlement, pour expliquer aux auditeurs, ce dont elle est le témoin. Tout journaliste digne de ce nom aime se constituer un bon « background », s’imprégner de son sujet, avant d’aller le couvrir. D’analyser une situation. Certes, il n’a pas forcément baigné de la culture locale, mais il la connaît suffisamment pour comprendre ce qui se déroule sous ses yeux.

 

"Reporter compatissant"

Et parlons-en des yeux. Du regard extérieur. Ce fameux « œil neuf » qui fera remarquer au journaliste fraîchement débarqué ce qu’un autochtone n’aurait pas forcément perçu. Car contrairement à ce qu’affirme Mary Fitzpatrick, le propos n’a pas plus d’autorité si la personne qui le tient semble « plus impliquée ». Que fait-on du recul nécessaire sur un événement, gage d’objectivité sinon d’honnêteté. D’impartialité sinon de détachement. A moins de se contenter de « reporters compatissants », comme plaisante Stephen Glover dans le Daily Mail. La recherche de la vérité n’est-elle pas plus aisée pour un esprit rationnel ? Qui ne serait pas déterminé par l’environnement où se déroulent les faits.

 

La rédactrice en chef de la BBC sous-entend même qu’une personne extérieure perdrait en crédibilité : « je souhaite plus de voix culturellement pertinentes ». Et donc que l’on croirait moins un journaliste venu de l’autre bout de la planète. Mais un public donné, pour comprendre un événement, a aussi besoin qu’on lui explique les faits selon une grille de lecture à laquelle il est habitué : un téléspectateur chinois recherche une vision chinoise de l’actualité.

 

Au final, la question qui se pose est récurrente. Le journaliste doit-il être un généraliste ou un spécialiste ? S’il a un esprit rationnel, capable de comprendre et d’analyser une situation selon sa propre grille de lecture, le journaliste est un scientifique.

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