Les Corses ont voté plus qu’ailleurs aux élections régionales

Publié le par Jacques Casoni

Avec un taux de participation de 62,38%, l’île de beauté se démarque des autres régions en montrant son intérêt pour le scrutin. Elle dépasse même de 10 points le chiffre national. Un score que décrypte André Fazi, Docteur en Sciences politiques à l’université de Corse.

 

Comment expliquez-vous ce fort taux de participation dans l’île ?

Ce qu’il faut avant-tout noter, c’est que ce taux est fort par rapport à la France continentale, mais faible pour la région où on est proche du minima historique atteint aux territoriales de 1999 [57,29%, NDLR]. Normalement, la moyenne c’est 70%, voire un petit peu plus. Donc, pour la Corse, le résultat de dimanche est faible. Pour trois raisons. D’abord, il y a beaucoup de migrations qui font que les gens sont moins intégrés socialement. Les nouveaux arrivants du Continent ou d’ailleurs sont moins enclins à aller voter. Ensuite, la campagne a démarré tard cette année, et les programmes ont tardé à venir ce qui a déplu à l’électorat. Enfin, on peut dire qu’il y a eu une forme de vote sanction d’une partie des électeurs de l’UMP.

 

Malgré tout cela, pourquoi vote-t-on plus qu’ailleurs en Corse ?

Parce que les enjeux locaux sont très largement dominants chez le citoyen par rapport aux enjeux nationaux. Selon un dernier sondage, c’est même ce qui les intéresse à 70%. Mais surtout, il y a une relation au politique qui est différente car la région reste malgré tout une microsociété où le lien personnel avec l’élu reste presque la norme, sinon très courant. L’île est aujourd’hui sortie d’un système politique traditionnel dit « claniste » où se mettre sous le patronage d’un homme politique, être affilié à un parti était indispensable. Mais cette relation élu-électeur demeure assurément. Elle est plus directe, plus serrée qu’ailleurs. Cette proximité naturelle ajoutée à un attrait supérieur pour les enjeux locaux explique ce surcroît de participation.

 

Quels sont ces « enjeux » qui motivent les insulaires ?

Sur le plan institutionnel, la Région Corse, par son statut particulier, a plus de compétences. Notamment la capacité d’élaborer un plan régional d’aménagement. Et donc son rôle politique pour un citoyen corse quel qu’il soit, a plus d’importance que le Conseil général de Midi-Pyrénées  pour un Toulousain.

 

La classe politique locale est-elle plus mobilisatrice que sur le Continent ?

Il y a beaucoup de clivages politiques en Corse. Et plus il y en a de divisions dans un système, plus la participation est supposée être importante. Logiquement. Pourtant, sur ce scrutin là, les différences n’ont pas été aussi apparentes qu’elles ne l’ont été par le passé. Par exemple, en 1998, juste après l’assassinat du préfet Erignac, le clivage entre nationalistes et non-nationalistes était beaucoup plus visible et influent. Dimanche, cela a moins été le cas. Les indépendantistes ont plus parlé de défense de langue corse et d’orientations sociales que de lutte armée et je pense que ça leur a bien réussi.

 

Vous voulez dire que le camp nationaliste est plus mobilisateur que par le passé ?

Leur erreur historique en Corse a été d’axer leur discours sur le côté régional en dédaignant un petit peu les élections municipales ou cantonales. Ce comportement a changé depuis 2001 et ils apparaissent désormais comme une alternance possible. Etre gestionnaires et non plus contestataires représente pour eux un atout supplémentaire.

Publié dans La Croix

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